Exercices de pré-alphabétisation

Exercices de pré-alphabétisation

Phase 1 : la relation entre l’objet, l’image et le son

On travaille d’abord sur l’association entre un objet, un mot et une image. Ils doivent pouvoir trouver l’objet qui correspond au mot, le mot qui correspond à l’objet, l’image qui correspond à l’objet et au mot, et ainsi de suite, autant de fois qu’il faut pour maîtriser l’exercice.

Prenez des objets quotidiens simples : une pomme, une casquette, une banane, un crayon, une tasse, une veste, etc.

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Prononcez clairement le mot associé à chaque objet, puis à chaque image. Mélangez les objets et les images. Demandez à chacun de mettre une image à côté de l’objet représenté. Demandez-leur de trouver l’image correspondant au mot prononcé.

Maintenant, dessinez une grille de six cases et demander-leur de placer les images dans les cases au fur et à mesure que vous prononcez les noms des objets. Par exemple, « crayon, pomme, tasse, veste, banane, casquette.

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Faîtes le même exercice en plaçant un chiffre dans chaque case et en prononçant le nom d’un objet et un chiffre, par exemple : « 3 – banane », etc.

Ensuite, dessiner un jeu de morpions sur le tableau blanc et jouer, par exemple, les « pommes » contre les « bananes », c’est-à-dire qu’au lieu de mette des croix et des ronds dans les cases pour les aligner et empêcher l’autre d’en faire autant, on utilise des images de pommes et de bananes.

Tous ces exercices ont pour but de les initier à l’abstraction (on représente un objet réel par une image stylisée, de préférence un pictogramme plutôt qu’une photo), et à l’organisation des notions, représentées par les images, sur une page, sur une ligne, dans des cases, ce qui les prépare à représenter une idée par une phrase. Évidemment, ce travail ne peut concerner que les apprenants les plus faibles, n’ayant jamais été scolarisés.

Phase 2 : la formation des lettres

On peut commencer par tester leur capacité à reproduire les formes géométriques. Les dessins suivants sont utilisés par des psychologues et des orthophonistes pour détecter des troubles du langage ou des retards psychomoteurs chez les enfants. Ils peuvent être utiles pour analyser le niveau de difficulté de vos apprenants et détecter d’éventuels troubles liés à l’illettrisme ou à un problème de dyslexie non-diagnostiqué à l’enfance.

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On poursuit par un travail sur les formes géométriques simples qui sont à la base de nos lettres latines : la ligne droite, verticale, horizontale ou diagonale, la ronde, la demi-ronde, orientée à droite ou à gauche, située sur une ligne ou en dessous ou au-dessous, etc. Par exemple :

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Ces trois lettres sont regroupées car elles utilisent uniquement des lignes droites. Vous pouvez continuer l’apprentissage en regroupant ainsi celles qui utilisent des rondes, des demi-rondes, etc.  Beaucoup de formateurs bénévoles se demandent s’il vaut mieux limiter l’apprentissage aux majuscules au début, puis introduire plus tard les minuscules et les cursives ou si on peut présenter tout de suite les trois. Je pense qu’il vaut mieux au début n’utiliser que les majuscules car les apprenants ne comprennent pas toujours pourquoi les lettres peuvent se former de trois façons différentes et les mélangent facilement dans un même mot. Ou écrivent les deux formes chaque fois: PpAaPpAa pour papa.

Voici l’alphabet entier avec des indications pour tracer les lettres :

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Phase 3 : l’encodage et le décodage

Je fais une distinction ici entre l’orthographe française et le double processus d’encodage et de décodage. D’un côté, il s’agit d’apprendre les règles d’orthographe d’une langue que l’apprenant allophone ne connaît pas et qui posent beaucoup de problèmes, mêmes aux Francophones. De l’autre, il s’agit d’initier une personne qui n’a jamais appris à lire ou à écrire à l’idée de représenter les sons du langage par des lettres tracées sur une feuille. Idéalement, cet apprentissage devrait se faire dans la langue maternelle de l’apprenant. Comme cela est impossible dans la grande majorité des cas, il faut bien passer par le français. Quelques explications avant de commencer les exercices.

Orthographe versus encodage et décodage

Apprendre l’orthographe française présuppose la maîtrise des sons de la langue et nécessite de mémoriser beaucoup de règles qui n’ont pas de sens pour l’apprenant allophone illettré. Par exemple, que beaucoup de mots français se terminent par des lettres silencieuses. Ou que les consonnes se dédoublent dans certains mots, mais pas dans d’autres, ou qu’un même son peut s’écrire de deux, trois ou quatre façons différentes (sot, seau, sceau, eau, au, aux, ô).

Tout cela dépasse de très loin les capacités d’apprentissage de ces personnes. Il faut d’abord leur apprendre à former les lettres correctement, à associer chaque lettre à un son particulier, parfois difficile à prononcer pour elles, à reconnaître ce son dans une série de sons différents, à reconnaître les lettres et les mots et les déchiffrer pour retrouver le sens qui se cache derrière, etc.

« Encodage » veut dire le fait de représenter un son par une lettre. « Décodage » veut dire l’inverse : transformer les lettres en sons. Pour réussir cet apprentissage, il ne faut au début ni lettres silencieuses, ni consonnes doubles, ni voyelles complexes comme <eau> pour le son /o/, ou <oeu> pour le son /Ø/. Cela oblige à limiter l’apprentissage aux mots français simples qui respectent ces consignes, comme ami, bébé, tata, papa, bus, vélo, moto, nounou, chef, bijou, taxi, képi, etc. Voire à utiliser des mots inventés : babi, bota, timé, etc. Malheureusement, je n’ai trouvé aucune méthode d’apprentissage de Français Langue Étrangère qui reconnaît et applique ce principe. Si vous en connaissez, merci de me les signaler.

La conscience phonologique

La personne lettrée, qui a appris à lire à l’école et ne rencontre aucune difficulté à comprendre un texte écrit, a parfois du mal à se représenter toutes les difficultés auxquelles doit faire face un adulte illettré. Parmi elles, il y a la reconnaissance des sons individuels dans un flot de paroles. Une personne qui ne sait pas lire ne sait pas non plus que les sons s’organisent en mots, les mots en phrases et les phrases en texte. Il faut donc, en complément de l’apprentissage esquissé plus haut, former sa conscience phonologique, c’est-à-dire sa capacité à distinguer les sons les uns des autres, à les identifier dans une suite de sons différents, à des endroits différents du mot. Ensuite, il faut l’entrainer à additionner les sons pour faire des mots, vrais ou inventés, peu importe à ce stade, et à décomposer les « mots » pour retrouver les sons.

Il y a donc trois entrainements à mener de front simultanément :

  • Apprendre à former les lettres correctement, non seulement ayant la bonne forme, mais aussi avec la bonne taille, placées sur une ligne de gauche à droite, en séparant les mots avec un espace.
  • Apprendre à prononcer les sons de la langue correctement et à associer chaque son à une lettre.
  • Apprendre à distinguer les sons les uns des autres, à différentes positions dans les mots et à faire de même avec les lettres.

Rien de tout ça n’est évident pour l’adulte allophone illettré et son apprentissage sera long et difficile. Il faut que vous en soyez conscient et que vous ayez la patience d’attendre des semaines et parfois des mois avant de voir des progrès tangibles.


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