
Modernités, Presses universitaires de Bordeaux, n° 32, 2011, p. 109-126
Narration et apprentissage des langues
Introduction
Cet article propose quelques pistes de réflexion pour un enseignement des langues, y compris de la langue maternelle, qui prenne en charge la globalité du jeune apprenant – ses besoins identitaires autant que son développement cognitif – tout en lui donnant une plus grande maîtrise du processus même de l’apprentissage. Cette réflexion s’appuie sur quarante ans de recherche, menée surtout aux États-Unis et au Canada, sur le rôle de la narration dans l’apprentissage.
Dans la première partie de l’article, on explorera quelques notions de base concernant la dimension identitaire dans l’apprentissage d’une langue étrangère, le rôle de la culture dans la maîtrise de la communication, la place de la narration dans le processus d’apprentissage.
Dans la seconde partie, nous rendrons compte de trois études universitaires qui examinent respectivement la valeur thérapeutique de la narration dans la construction de l’identité, ensuite l’intérêt pour l’enseignant de langues étrangères à utiliser la narration comme outil pédagogique, enfin la nécessité de collaboration entre enseignants de langue maternelle et enseignants de langue étrangère pour comprendre et faciliter chez leurs élèves la maîtrise des techniques de communication écrite et orale.
Apprentissage et représentation de soi et du monde
On partira d’abord du principe, mis en avant dans Pavlenko & Lantolf (2000) entre autres, que l’apprentissage d’une langue étrangère passe par la (re)construction de soi et que la culture joue un rôle central dans ce processus :
L’apprentissage d’une langue étrangère ne peut se réduire à l’acquisition d’un ensemble nouveau de formes grammaticales, lexicales et phonologiques, c’est un combat mené par un individu doté d’une identité et d’un ancrage social déjà constitués, pour investir le monde symbolique d’une autre culture.1
Derrière cette idée il y a l’intuition fondamentale que le langage n’est pas ici simple objet d’apprentissage, mais aussi le véhicule de cet apprentissage et simultanément le moyen pour l’apprenant de se représenter le processus même de l’apprentissage. De ce point de vue, l’être humain est engagé dans une activité incessante de médiation avec le monde extérieur, à l’aide d’artefacts, de concepts et d’activités culturels qui lui permettent de contrôler le monde, mais aussi sa propre activité mentale et sociale, et le langage est le moyen privilégié de cette médiation culturelle. Vu ainsi, l’apprentissage d’une langue étrangère nécessite une reconversion majeure pour l’apprenant et le passage dans un nouveau monde symbolique.
Le Constructivisme
Le lecteur aura reconnu derrière ces remarques le point de vue du constructivisme pédagogique, qui s’appuie sur les deux principes suivants :
- Le savoir n’est pas reçu passivement mais construit activement par le sujet pensant ;
- Le processus cognitif se base sur l’adaptation et vise à organiser le monde matériel, non pas à découvrir une réalité ontologique.2
On dirait, en citant Piaget : “L’intelligence organise le monde en s’organisant elle-même” (Piaget 1937 : 311).
Cette perspective holistique nous oblige à repenser notre vision du jeune apprenant en langues. Au lieu de considérer celui-ci seulement en termes de distance qui le sépare de la performance linguistique d’un locuteur natif, et de mesurer ses progrès uniquement en termes de vocabulaire appris ou règles de grammaire maîtrisées, nous devrions le voir plutôt comme un être social multidimensionnel, capable de communiquer avec ses semblables et de prendre au moins partiellement en charge son apprentissage. En admettant un accord de principe sur cette idée, la question de la pédagogie reste entière : comment y parvenir ? C’est là, du moins le pensons-nous, que les recherches récentes sur la narration comme moyen d’apprentissage peuvent nous éclairer.
Le « tournant narratif »
Depuis les années 1970, notamment depuis la traduction des travaux de Vygotsky en anglais3, il y a eu un changement conceptuel important dans la façon d’appréhender le savoir, qu’on a appelé aux États-Unis le « narrative turn », ou le « tournant narratif ». Que ce soit dans le domaine de la philosophie, de la théorie littéraire, de l’anthropologie, de l’histoire, des sciences cognitives ou de l’éducation, le rôle de la narration, au sens large, a été reconnu et valorisé, notamment comme moyen privilégié de représenter le savoir et de le communiquer à d’autres. De l’étude des structures narratives en littérature (e. g. Propp 1970) on est passé à celle, plus globale, de la narration en tant que moyen de structurer le savoir cognitif et social.
L’idée derrière ce mouvement est que l’étude de la narration permet de comprendre la façon dont l’être humain s’approprie le monde extérieur : c’est par la narration que l’homme peut connaître, comprendre et donner un sens au monde, puis construire son identité sociale. Il ne s’agit pas simplement de s’intéresser au mode narratif dans les échanges humains – contes pour enfants, histoires diverses, récits de voyage, etc. – mais de redéfinir l’épistémologie en reconnaissant à la forme narrative une légitimité qui lui a souvent manqué dans le passé. Ce qu’on a pu considérer comme « la fin du positivisme » dans les sciences humaines a ouvert la porte à une approche qui donne plus d’importance à l’interaction dans la construction du savoir.
D’après le psychologue américain J. Bruner4, le regard des sciences sociales se déplace dans les années 1970 vers la notion d’interprétation : comment interprète-t-on le sens, quels sont les codes qui régissent la compréhension, dans quelle mesure la société elle-même n’est-elle pas une forme de « texte » que « lisent » les individus dans leur quête de sens. Les travaux de Bruner, qui opposent la pensée logico-mathématique à la « pensée narrative », ont popularisé l’idée que celle-ci constitue l’un des deux modes cognitifs majeurs.
Il y aurait, en gros, deux façons pour l’homme d’organiser et de gérer sa connaissance du monde, voire de structurer son expérience immédiate : la première semble plus spécialisée dans l’appréhension des « objets matériels », l’autre plus appropriée pour traiter de l’homme et de ses difficultés. On appelle habituellement la première la pensée logico-scientifique, la seconde la pensée narrative.5
La pensée logico-scientifique recherche les conditions de vérité d’un concept. Depuis les Grecs, on considère généralement que la réalité peut (et doit) être réduite à une série de propositions logiques. Le rationalisme cartésien privilégie ce mode de pensée, le considérant comme supérieur à d’autres façons d’appréhender le monde. Cette vision a très largement conditionné notre vision du savoir, et donc nécessairement de l’école, depuis des siècles.
L’intérêt croissant pour la pensée narrative, y compris dans le milieu scientifique lui-même, vient d’une reconnaissance de l’importance d’étudier, non pas tant l’objet en soi, en dehors de tout déterminisme spatio-temporel, mais plutôt les liens entre l’objet et son contexte. Il ne s’agit pas ici de remplacer la domination du mode scientifique par celle du mode narratif, mais de comprendre la complémentarité des deux modes de pensée, et surtout d’étudier la meilleure façon d’utiliser les deux dans l’éducation. Sur le plan de l’apprentissage, cette idée nous conduit à nous intéresser à la façon dont le sujet va appréhender cet objet, c’est-à-dire comment il va l’intégrer dans un cadre conceptuel préexistant.
Un cas d’école : la narration et l’enseignement des mathématiques
Les mathématiques constituent l’exemple par excellence d’une matière dont le contenu est « objectif, universel, certain et vérifiable », pour citer Burton (1996). Nul doute dans l’esprit du grand public que les maths comprennent un corps d’« objets », de faits et de savoir-faire, dont il faut apprendre les règles et les procédures par cœur. Le fait que la plupart des pays connaissent un échec important dans l’enseignement des mathématiques inciterait à remettre en question ces préjugés et à chercher d’autres moyens pédagogiques. De plus en plus de spécialistes américains se tournent vers la narration. En voici un exemple, tiré de Zazkis & Liljedhal (2009 :7-8). Les auteurs racontent la façon dont le mathématicien allemand Karl Friedrich Gauss (1777-1855) a trouvé ce qu’on appelle aujourd’hui la règle des « entiers de Gausse » alors qu’il n’avait encore que neuf ans.
F. Gauss était un élément brillant mais perturbateur à l’école. Il faisait des blagues et taquinait ses camarades de classe au lieu d’écouter ses professeurs en silence. Un jour, alors qu’il avait terminé son travail bien avant les autres et se mettait à nouveau à faire le clown, en imitant le bruit d’une chaise qui grince, son maître, Herr Schmidtsenbergersnoff, se fâcha et décida de punir l’élève Gauss en lui donnant un problème à résoudre qu’il pensait pouvoir l’occuper une bonne partie de la journée. S’approchant de Gauss dans le fond de la salle, il cria : « Comme punition, Gauss, vous me calculerez la somme de tous les nombres entiers de 1 à 100 ».
Les autres élèves étaient réduits au silence : jamais une punition aussi sévère n’avait été donnée à un élève. Mais, avant que le maître n’ait eu le temps de retourner à son bureau, le bruit de la chaise recommençait. Le maître se retourna, stupéfait : l’élève ne pouvait pas avoir déjà résolu le problème ! Tout le monde regardait Gauss, qui s’éleva et annonça : « La somme de tous les nombres de 1 à 100 est de 5050 ». La salle éclata de rire : Gauss avait encore gagné ! Mais c’en était trop pour Herr Schmidtsenburgersnoff, qui répliqua sèchement : « Vous avez tort et pour vous punir de votre effronterie, vous allez venir au tableau et faire l’addition devant toute la classe ». Alors Karl s’est mis au tableau et pendant que son maître arpentait la salle, écrivait ceci :1 + 2 + 3 + 4 + 5 +… +… + 98+ 99+ 100
1 + 100= 101
2 + 99= 101
3 + 98= 101
50 paires × 101 = 5050
Aveuglé par sa fureur au point de ne pas voir les chiffres écrits au tableau, il donna de nouvelles punitions à l’élève Gauss : « Vous allez me trouver la somme des 200 premiers nombres entiers », puis « la somme de tous les entiers de 201 à 300 », enfin « la somme de tous les entiers jusqu’à 1000 ». Et Gauss de les résoudre aussi rapidement et toujours par la même méthode.
L’intérêt de raconter cette histoire aux élèves, selon les auteurs, est triple. D’abord, elle engage immédiatement leur intérêt et fixe leur attention, à travers l’histoire de l’élève rebelle et du maître grincheux, sur un problème de mathématiques. Ainsi, il ne s’agit pas d’une simple décoration pour faire avaler plus facilement la pilule d’une leçon de maths, mais d’une histoire dont l’enjeu central est la résolution d’un problème mathématique, qui constitue en outre l’arme utilisée pour vaincre le méchant maître.
Deuxièmement, elle leur montre quelque chose qui normalement est passé sous silence dans les cours de maths : le fait que les règles que nous apprenons et essayons de comprendre aujourd’hui n’existent pas dans une sorte de sphère céleste au-dessus de nos têtes, indépendamment de toute intervention humaine, mais qu’elles ont été inventées un jour par une personne réelle, en l’occurrence par un élève comme eux. Au lieu d’être dépossédés du savoir, comme ils le sont habituellement, les élèves se trouvent dans la position nouvelle de participants par l’imagination à l’élaboration de ce savoir.
Enfin, les trois derniers problèmes donnés par le maître à Gauss servent d’habile transition entre le fait d’écouter une histoire au sujet des mathématiques et celui, autrement plus passionnant, de résoudre soi-même des problèmes avec la méthode de Gauss.
Tout élève qui écoute cette histoire comprend non seulement une méthode ingénieuse de résolution de problèmes mathématiques, mais se passionne pour l’histoire de son invention et acquiert le désir d’en faire autant lui-même. On peut aussi parier qu’il n’oubliera jamais la « règle des entiers de Gausse » et espérer qu’il aura envie d’essayer de l’appliquer à des problèmes similaires. Tout ceci constituerait déjà une réussite considérable pour un enseignant de maths. Mais le rôle de la narration ne se limite pas à la présentation agréable de méthodes et de règles. De plus en plus de pédagogues pensent qu’on peut utiliser la narration, et plus généralement l’écriture, pour amener l’élève à comprendre les concepts généraux derrière les problèmes qu’il étudie, mais aussi à mieux comprendre son propre raisonnement et ainsi à prendre en charge son apprentissage.
Selon Rothstein & Rothstein (2007 :22), le fait de faire écrire à l’élève ce qu’il est en train de faire ou d’expliquer sa solution à un problème permet bien entendu de détecter d’éventuelles erreurs dans son raisonnement ou des incompréhensions de vocabulaire, mais peut aussi révéler des faiblesses au niveau de l’enseignement proposé. Plus généralement, le fait de faire écrire l’expérience mathématique permet d’augmenter les capacités de synthèse et de compréhension de l’élève.
Ces auteurs mettent en avant dix stratégies pédagogiques pour aider l’élève à résoudre des problèmes de vocabulaire, à savoir expliciter une démonstration ou montrer les liens conceptuels entre deux concepts mathématiques, à expliquer ses représentations mathématiques, pour augmenter l’intérêt pour l’histoire des mathématiques et leur développement ou pour mieux intégrer les mathématiques dans l’ensemble du programme scolaire.
Narration et « literacy6 »
Si la narration peut aider à comprendre les mathématiques, il semble aller de soi qu’elle peut être un adjuvant pédagogique essentiel dans l’apprentissage de la langue maternelle. Les travaux dans ce domaine s’appuient plus ou moins directement sur les études de l’évolution de la pensée chez les enfants.
En effet, il a été démontré que la narration est un savoir-faire qui se développe régulièrement chez les enfants, quelle que soit leur culture d’origine. Mandler et al (1980)7, par exemple, examinent la capacité à organiser et à retrouver l’information à l’aide de la narration dans différentes cultures. Les auteurs ont trouvé une grande stabilité : “la structure des contes pourrait correspondre à une structure universelle à travers les cultures… peut-être à une mnémotechnique universelle”, selon ces chercheurs (p. 21).
Peterson, C. & A. McCabe (1983)8 ont étudié la capacité relative d’enfants âgés de 4 à 10 ans à raconter une histoire personnelle :
À 4-5 ans les histoires avancent par « sauts de puce » (leapfrog) : on passe d’un événement à un autre sans ordre ni cohérence. On produit des narrations sans orientation ni but. Les histoires sont pauvres en événements.
À 5-7 ans, il y a moins d’incohérence et de désorientation, la narration est de type « chronologique », c’est-à-dire linéaire. Il y a un début d’évaluation9, mais elle sert surtout à donner du relief à certains personnages, lieux, etc.
À 7-9 ans on trouve moins d’histoires chronologiques et plus souvent le schéma « classique » (Labov & Waletsky 1967) : orientation> complication> résolution. L’évaluation sert maintenant à hiérarchiser les événements. À 10 ans l’enfant semble avoir acquis la capacité à raconter une histoire comme un adulte.
Ces études, comme beaucoup d’autres dans ce domaine, trouvent leur origine dans le célèbre article de William Labov et J. Waletsky (1967), « Narrative analysis : Oral versions of personal experience », consacré aux récits oraux spontanés d’expériences personnelles d’enfants noirs à Philadelphie. Cet article a montré que la narration spontanée, en dehors de ce qu’on appelle habituellement la « littérature », pouvait constituer un objet d’étude à part entière. Les auteurs ont montré que les récits de ces enfants s’organisaient tous selon une structure en six parties, représentées comme autant de réponses à des questions implicites :
- Résumé : De quoi parle l’histoire ?
- Orientation : Qui, quand, où, quoi ?
- Complication : Et après ?
- Évaluation : Et alors, en quoi ça nous intéresse ?
- Résultat ou résolution : Comment ça s’est terminé ?
- Coda : À la fin de l’histoire, le conteur revient à la situation présente
Ce savoir-faire instinctif est fondamental pour le développement cognitif et social de l’enfant et constitue le moyen principal de donner sens au monde qui l’entoure. Ainsi Swain (2006) parle de l’apprentissage comme d’une “mise en langage” de l’objet d’apprentissage (languaging), c’est-à-dire d’un processus qui permet au sujet de rendre le monde intelligible et de créer des objets de pensée qui pourront à leur tour être mis en langage10. Cette mise en langage passe surtout par la forme narrative. Pour Taniguchi (2009), la narration permet une médiation entre le sujet et le monde :
La narration est l’un des moyens principaux de donner un sens à l’expérience. La narration n’est pas la simple représentation verbale de l’expérience, elle constitue un moyen de médiation dans la production même du sens.11
Ce processus est inséparable de la construction de l’identité. Dans cette optique, la narration peut être considérée, non seulement comme le moyen privilégié d’intégrer le savoir, de donner sens au monde, mais aussi de comprendre qui on est et de se transformer au cours d’une vie :
Quand les apprenants d’une langue parlent, ils ne sont pas simplement en train d’échanger des informations ; ils sont aussi engagés dans un processus continuel d’organisation et de réorganisation de leur identité et de leur relation à la société. En un mot, ils sont dans un processus de construction d’identité et de négociation sociale.12
Narration et apprentissage des langues étrangères
Si l’on applique maintenant tout ce qu’on vient de dire de l’apprentissage en général à l’apprentissage d’une langue étrangère, on voit que les mêmes problèmes se posent – savoir, savoir-faire, communication, identité – mais de façon plus aiguë.
- Le savoir concerne un ensemble de phénomènes interdépendants d’une grande complexité : syntaxe, vocabulaire, intonation, prononciation, etc. Ce savoir va nécessairement entrer en relation avec la connaissance déjà acquise de la langue maternelle. Cette relation est elle-même très complexe et n’est que partiellement comprise par les spécialistes du langage.
- Le savoir-faire exige un effort important et un entraînement long et régulier.
- La communication n’est possible qu’au sein d’une interaction avec d’autres interlocuteurs de cette langue, qu’il faudra simuler d’une certaine façon si l’on ne se trouve pas dans le pays étranger.
- Enfin, si on peut apprendre les maths ou l’histoire en restant un petit Français, apprendre l’allemand ou le portugais nécessite d’accepter de devenir momentanément un petit Allemand ou un petit Portugais. Quand on est un adolescent, par exemple, un tel changement d’identité ne va pas de soi et peut heurter de front la construction de sa propre identité et sa place dans le groupe.
Dans quelle mesure est-ce que la narration peut pallier ces difficultés ? Ce sera l’objet de la deuxième partie de notre présentation.
Narration et apprentissage
Nous considérerons trois thèmes dans cette section :
- Le rôle de la narration dans la construction de l’identité ;
- L’utilisation de la narration comme moyen d’évaluation de l’élève ;
- La narration comme outil pour l’apprentissage de la rédaction dans la langue étrangère, mais aussi pour sa langue maternelle.
Bilinguisme et identité
Pavlenko and Lantolf (2000 :162-163)13 suggèrent que le processus de transformation de soi qui a lieu chez les sujets bilingues passe par des phases de perte et de regain d’identité.
Une période de perte d’identité, qui peut être divisée en cinq phases :
- La perte de l’identité linguistique ;
- La perte de la subjectivité ;
- La perte du cadre de référence et du lien entre le signifié et le signifiant ;
- La perte de la “voix interne” ;
- La perte de la langue maternelle.
Une période de récupération et de reconstruction, qui comprend quatre phases :
- L’appropriation des voix des autres ;
- L’émergence d’une nouvelle voix, qui passe souvent par l’écriture dans un premier temps ;
- La thérapie par la traduction, la reconstruction de son passé ;
- Une croissance qui passe par plusieurs subjectivités nouvelles.
Dans cette perspective, de nombreux chercheurs étudiant l’apprentissage des langues étrangères ont mis en avant l’importance de la narration de soi dans la gestion des transitions qui s’opèrent chez l’apprenant. On comprend qui on est à travers le langage par un processus continuel d’auto-narration (Crossley 2000)14. L’apprenant d’une langue étrangère a besoin, plus que tout autre, de comprendre qui il est. Pour un véritable sujet bilingue ce processus peut être l’affaire d’une vie entière. Négliger cet aspect de l’apprentissage des langues étrangères c’est risquer de se heurter à des problèmes importants, à des blocages ou à des refus d’apprendre.
Dans une thèse récente, Taniguchi (2009) a étudié le rôle de l’autonarration dans la (re)construction de soi chez deux sujets bilingues. Il a cherché à répondre aux questions suivantes :
- Qu’est-ce que les histoires des apprenants peuvent nous apprendre sur le processus d’apprentissage des langues à long terme ?
- Quel rôle peut jouer la rédaction autobiographique dans l’apprentissage d’une langue ?
- Dans quelle mesure est-ce que l’approche narrative peut contribuer à la recherche dans le domaine du langage et de la maîtrise de l’écriture ?
Être bilingue
Les autobiographies étudiées par Taniguchi montrent d’abord que le bilinguisme15 est l’affaire d’une vie entière, qu’elle comprend de nombreuses facettes interconnectées et qu’elle nécessite un va-et-vient constant entre les deux langues, les deux cultures et un effort intense de reconstruction. C’est un processus dynamique qui ne se stabilise jamais.
L’étude souligne le fait que le bilinguisme comprend de multiples dimensions autres que linguistiques : redéfinir sa place dans la société, négocier les allers retours entre deux cultures, deux identités, deux systèmes linguistiques, apprendre un nouveau code affectif. Bien entendu, la dimension linguistique ne doit pas être négligée. Il faut non seulement parvenir à maîtriser les deux langues, mais parfois apprendre à se servir de l’une pour l’écriture, par exemple, l’autre pour le discours, ou l’une pour l’écriture technique, l’autre pour l’écriture courante.
Taniguchi montre que l’apprentissage va dans les deux sens, que parfois ce qui est appris en L2 s’applique ensuite à L1. Il ne s’agit ni d’une progression linéaire et unidirectionnelle, ni d’un processus régulier qui atteint un plateau et puis s’arrête.
Enfin, on comprend à travers cette étude que les sujets bilingues sont engagés dans un processus continuel de « traduction ». Non seulement traduction au sens classique du sens d’une langue vers l’autre, mais aussi réinvention du sens à tous les niveaux : culturel, identitaire, social, etc. Le bilingue apprend non seulement à utiliser deux langues vivantes, mais aussi à faire un travail métalinguistique et métaculturel sur lui-même et sur les autres.
Le travail de Taniguchi montre enfin qu’être bilingue est quelque chose de difficile, voire douloureux, qui entraîne des mises en cause continuelles. Le fait de raconter son expérience par écrit peut avoir une valeur thérapeutique en aidant le bilingue à comprendre ce qui lui arrive et à maîtriser ses émotions. Les bénéfices de la rédaction narrative vont bien au-delà de l’amélioration du langage lui-même. On peut penser qu’elle pourrait avoir aussi des effets du même ordre pour les élèves monolingues.
La narration comme moyen d’évaluation16 en L1 et en L2
Si tout le monde ne naît pas conteur de talent, chacun est capable de raconter une histoire. Nous avons dit plus haut que les enfants semblent acquérir la capacité à raconter selon une progression régulière et prévisible. Il semble même que la structure narrative soit une structure cognitive universelle.
Mason (2008) a comparé les histoires de neuf enfants anglophones à celles17 de 45 enfants Punjabi, dont l’anglais était une langue étrangère. Il s’agit dans cette étude de comparer la façon dont les enfants des deux groupes organisent les événements au sein de l’histoire et comment ils manient ce que Labov appelle « l’évaluation », c’est-à-dire la mise en perspective de la narration, notamment pour justifier l’existence de l’histoire ou d’un segment donné de cette histoire (« pourquoi tu nous racontes ça ? »). Comme nous avons vu plus haut, la capacité à utiliser l’évaluation pour hiérarchiser les événements dans une histoire est un moyen d’évaluer la progression de l’enfant dans la maîtrise de la narration.
Sur les neuf histoires d’enfants anglophones étudiés par Mason, sept ont suivi le schéma classique de Labov, l’une s’est arrêtée au point culminant de l’histoire, terminant en queue de poisson, et une histoire ne correspondait pas à une véritable narration, au sens de Labov.
Les 45 histoires des enfants Punjabi comprennent des narrations de type « saut de puce », des narrations désorientées, des narrations chronologiques (linéaires) et des narrations classiques. Le premier constat de l’auteur est que les histoires en langue étrangère, sur le plan du développement cognitif, connaissent un retard qui peut atteindre deux ans.
En ce qui concerne l’évaluation, toutes les histoires contiennent des éléments d’évaluation, mais seuls les enfants anglophones semblent l’utiliser de façon consciente pour donner une certaine hiérarchie à leur histoire. La plupart des locuteurs punjabi utilisent l’évaluation comme simple moyen de mise en valeur locale, plutôt que comme un moyen pour établir la cohésion pour situer un événement au sein de l’histoire dans son ensemble.
Le premier enseignement de cette étude est donc que les capacités « pragmatiques » d’un apprenant sont affectées par le niveau de ses capacités purement linguistiques. Cela est intéressant dans la mesure où les premières ont déjà été acquises dans la langue maternelle.
L’étude de Ruth Mason nous intéresse non seulement parce qu’elle nous renseigne sur les capacités narratives des enfants en L1 et en L2, mais aussi parce qu’elle nous rappelle que raconter une histoire est une technique qui s’apprend et qui exige un savoir faire linguistique mais aussi une certaine dose de courage et de charisme. Mason constate en effet que ses jeunes sujets punjabi prennent beaucoup plus facilement la parole en cours d’anglais pour répondre à une question, pour décrire un objet ou pour donner des ordres que pour raconter une histoire.
Il faut donc, avant d’utiliser la narration comme technique d’apprentissage, réfléchir sur les modalités de son emploi en cours. Sur ce plan, les recherches sur la connaissance intuitive qu’ont les enfants des structures narratives ouvrent la voie à une approche pédagogique très prometteuse, non seulement pour les langues étrangères, mais aussi pour la langue maternelle.
La narration comme outil pédagogique en l1 et l2
Raimato & Woods (2004)18 rendent compte d’une recherche sur l’utilisation de la narration comme technique pédagogique pour apprendre la maîtrise de la rédaction en L2 et en L1. Il s’agit d’apprendre à écrire des histoires à des enfants anglophones en classes de 6e et de 5e qui apprennent le français comme langue étrangère.
Dans un premier temps le travail vise la rédaction en anglais, ensuite les mêmes techniques ont été transférées à la langue étrangère. Ce travail se fait dans le cadre d’un projet appelé « Language and Literacy Project », littéralement « Le langage et la maîtrise de la lecture et de l’écriture », coordonné par le Centre international de Recherche pédagogique de l’Institut of Learning, University of London, et a eu lieu entre 2002 et 2003.
Organisation :
Une écrivaine professionnelle a été associée au projet dès le début. Elle a commencé par travailler sur les techniques narratives à l’oral et par fixer une série d’objectifs à atteindre pour passer à l’écrit. Ceux-ci comprenaient des objectifs de rédaction – comment organiser un récit, comment passer du stade du brouillon à celui du texte fini, quelles techniques de narration utiliser – et des objectifs de vocabulaire – comment utiliser les mots avec précision, comment les adapter au contexte. Le tout étant sous-entendu par un objectif global : savoir raconter une histoire et analyser les différences entre la version orale et la version écrite.
L’animateur commence par rappeler une série d’histoires orales puis en choisit une pour en dégager le plan.
Exemple :

Ensuite, chaque « séquence » est étoffée pour devenir une phrase, puis un paragraphe. Exemple :
« Sam sortit du lit en titubant et attrapa le tison. Sans faire de bruit, il quitta sa chambre et descendit l’escalier. »
Au cours de ce travail avec les élèves, l’animateur focalise leur attention sur certains aspects du langage, par exemple l’importance de la place des adverbes et circonstancielles :
En titubant, Sam sortit du lit et attrapa le tison.
Sam sortit du lit en titubant et attrapa le tison.
Sam sortit du lit et attrapa le tison en titubant.Sans faire de bruit, il quitta sa chambre et descendit l’escalier.
Il quitta sa chambre, sans faire de bruit, et descendit l’escalier.
Il quitta sa chambre et descendit l’escalier sans faire de bruit.
Ce travail de réflexion est important pour donner aux élèves le sentiment de devenir eux-mêmes des écrivains et de maîtriser leur rédaction. De là est sorti un schéma de rédaction :

Résultats :
Un premier résultat positif d’ordre psychologique : les élèves ont acquis une conscience nouvelle de leur travail, une sensibilité aux attentes du lecteur, et un regain de confiance en eux-mêmes. Sur le plan linguistique, on a constaté une plus grande variété de structures de phrase, l’emploi plus fréquent de métaphores et de comparaisons, ainsi qu’une augmentation du nombre d’adverbes.
L2
On est passé ensuite au FLE. Un aspect important de cette expérience a été la coopération qui s’est instaurée entre les professeurs d’anglais et de français. Ces derniers ont décidé d’utiliser le même plan de travail que les premiers et de centrer l’attention linguistique sur les circonstancielles de temps, les adverbes en début de phrase, ainsi que les mots de liaison et la ponctuation. Chaque élève devait produire à la fin de l’expérience un récit original en français qui racontait une sortie de famille, réelle ou imaginaire, au cours de laquelle s’est produit un événement extraordinaire.
Dans un premier temps on a rappelé ce que les élèves avaient appris en anglais, sur l’organisation du travail, la rédaction, le rôle de certains éléments linguistiques. Ensuite, on a travaillé le vocabulaire des adverbes, des mots de liaison, les circonstancielles de temps en français. Ils ont mis au point des glossaires bilingues de ces mots (e. g. les mots en – ment en français versus les mots en –ly en anglais).
Ensuite on a travaillé sur un récit en français, en relevant la structure du texte et le vocabulaire linguistique pertinent. Le professeur de français a commencé par projeter le texte à l’écran pendant qu’il/elle racontait l’histoire, en demandant aux élèves de faire attention à son intonation et à ses gestes. Progressivement les élèves ont remplacé le professeur pour raconter l’histoire. Ensuite il/elle a distribué une version écrite et les élèves ont relevé le vocabulaire et traduit au mieux des passages du texte.
Les élèves devaient ensuite choisir cinq phrases clés pour raconter l’essentiel de l’histoire et les apprendre par cœur. Cela a permis de focaliser l’attention sur la structure narrative. Une autre technique a été de choisir cinq images pour représenter les phrases clés et de s’en servir pour raconter le « story board ». À partir de ce squelette de texte, les élèves sont passés au travail écrit sur leur propre texte, à l’aide de leurs notes, du dictionnaire, du travail en commun et avec le professeur, en utilisant les mêmes techniques.
Résultats :
À nouveau, on a noté une augmentation de la confiance que chaque élève pouvait avoir dans ses capacités d’écrivain en langue étrangère, rôle que la plupart considéraient comme quasi impossible avant l’expérience. Ceci est dû en grande partie aux multiples étapes du travail, à l’encadrement du professeur et au travail en commun. Ils ont aussi beaucoup apprécié la façon de décomposer le travail en étapes plutôt que d’être obligés d’aborder d’un seul coup un devoir de rédaction.
Autre élément important : les élèves ont été très motivés par l’expérience, l’ont trouvée « amusante » et ont participé très activement à l’ensemble des activités. Ils ont particulièrement apprécié le fait de constituer une « base de données » dédiée à un objectif clair et de pouvoir apprendre des techniques de travail transposables à d’autres activités scolaires.
La structuration du travail en commun a beaucoup fait pour « sécuriser » les élèves et a contribué de façon appréciable à la mémorisation du vocabulaire et des structures nouvelles. Ces résultats positifs ont été particulièrement appréciés par les garçons, qui se montrent souvent rétifs à un travail de rédaction.
Dans les deux cours, L1 et L2, on a demandé aux élèves de tenir un journal de bord, où ils pouvaient prendre des notes, noter leurs impressions, inscrire le vocabulaire, etc. Ce travail a contribué à renforcer leur vision d’eux-mêmes comme des écrivains en puissance, plutôt que comme des « élèves ».
Conclusion
Voici donc un aperçu rapide d’un courant de recherche pédagogique qui prend de plus en plus d’ampleur aux États-Unis et au Canada et qui pourra, je l’espère, contribuer à une réflexion intéressante sur l’enseignement des langues, étrangères et maternelles, en France.
Bibliographie
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Notes
1 « …second language learning not as the acquisition of a new set of grammatical, lexical and phonological forms but as a struggle of concrete socially constituted and always situated beings to participate in the symbolically mediated lifeworld (Habermas 1987) of another culture” (Pavlenko & Lantolf 2000 :155).
2 “Knowledge is not passively received but actively built up by the cognizing subject ; the function of cognition is adaptive and serves the organization of the experiential world, not the discovery of ontological reality”, Glaserfeld (1989 :114).
3 Vygotsky, L. S. (1978). Mind in society : The development of higher psychological processes. Cambridge, MA : Harvard University Press. Vygotsky, L. S. (1986). Thought and language (A. Kozulin, Trans.). Cambridge, MA : MIT Press.
4 Bruner, J. S. (1986). Actual minds, possible worlds. Cambridge, MA : Harvard University Press.
5 “There appear to be two broad ways in which human beings organize and manage their knowledge of the world, indeed structure even their immediate experience : one seems more specialized for treating of physical “things”, the other for treating of people and their plights. These are conventionally known as logical-scientific thinking and narrative thinking.” Bruner, J. S., 1996, The Culture of Education. Cambridge, MA : Harvard University Press. p. 39, cité par Tanuguchi (2009 :44).
6 Le terme anglais « literacy » couvre l’ensemble des savoir-faire liés à l’écriture : savoir lire et écrire, mais aussi pouvoir comprendre ou rédiger un texte, résumer et expliquer son contenu à d’autres, etc.
7 Mandler, J., S. Scribner, M. Cole and M. DeForest (1980), « Cross cultural invariance in story recall », Child Development 51 (1), 1-26
8 Peterson, C. and A. McCabe (1983) Developmental Psycholinguistics : Three Ways of Looking at a Child’s Narrative. New York : Plenum Press.
9 Au sens de Labov & Waletsky, l’évaluation c’est la mise en perspective du récit du point de vue de celui qui le raconte, mais aussi de celui qui écoute. L’évaluation répond à la question implicite : pourquoi tu nous racontes ça ?
10 « Languaging is a process which creates a visible or audible product about which one can language further” (Swain, M. (2006) “Languaging, agency and collaboration in advanced second language proficiency”. In H. Byrnes (Ed.), Advanced language learning : The contributions of Vygotsky and Halliday (pp. 95-108). London : Continuum, p. 97).
11 “Narrative is one of the primary means that people use to make meaning of experiences… narrative is not simply representation of experience, but rather narrative is a mediational means in the production of meaning of experience.” (p. 19).
12 “Every time language learners speak, they are not only exchanging information with their interlocutors ; they are also constantly organizing and reorganizing a sense of who they are and how they relate to the social world. They are, in other words, engaged in identity construction and negotiation”. (Norton, B. (1997), p. 410. Language, identity, and the ownership of English. TESOL Quarterly, 31(3), 409-429)
13 Cité par Taniguchi (2009 :69-70).
14 “…individuals understand themselves through the medium of language, through talking and writing, and it is through these processes that individuals are constantly engaged in the process of creating themselves”, Crossley, M. L. (2000). Introducing narrative psychology : Self, trauma and the construction of meaning. Buckingham : Open University Press p. 10.
15 Il n’est pas simple de définir le bilinguisme, qui existe sous de multiples formes : bilinguisme équilibré depuis la naissance, bilinguisme tardif, etc. L’auteur de la thèse et son sujet sont tous deux des bilingues tardifs, c’est-à-dire qu’ils ont appris la L2 bien après la L1. Ensuite, leur bilinguisme est passé par plusieurs phases : apprentissage à l’école, séjour en pays étranger, résidence permanente en pays étranger, etc.
16 Le terme “evaluation” est utilisé ici dans les deux sens : l’évaluation comme technique de narration, selon Labov, et l’évaluation au sens pédagogique, dans la mesure où la forme que prend l’histoire de l’apprenant nous renseigne sur son niveau de développement cognitif et linguistique.
17 Dans l’étude de Mason, « histoire » veut dire raconter à sa façon une histoire lue ou entendue en cours d’anglais. Il ne s’agit donc pas de narrations autobiographiques, ni d’histoires originales. Ceci dit, selon l’auteur, une grande part d’originalité s’observe dans les versions des enfants, qui peut aller jusqu’à une refonte totale de l’histoire de départ.
18 Rosanna Raimato & Barbara Woods, 2004, Language and Literacy Project, p. 2 : « These projects led to the hypothesis that through children’s understanding of narrative structures, it should be possible to develop well-grounded approaches to writing in both mother tongue and second language. We therefore formulated the research question : « What are the most effective strategies for the teaching and learning of narrative in order to increase linguistic achievement in English and Modern Foreign Languages ? ».
Auteur
Paul Boucher CRILA, Université d’Angers

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